La vie sociale des étalons : un regard sur les alternatives possibles
Formation sur le comportement du cheval
Formation sur le comportement du cheval
Dans son environnement naturel, le cheval est un animal social, passant la plupart de son temps en contact étroit avec ses congénères. Le groupe familial se compose en général d’un étalon, de 2 à 4 juments et des jeunes jusqu’à 2-3 ans. Les jeunes étalons quittent leur groupe vers l’âge de 2-3 ans et rejoignent un groupe de mâles célibataires, pour un jour créer leur propre groupe familial.
Aujourd’hui, la majorité des mâles vivent une vie en tant que hongre (mâles castrés) lorsqu’ils ne sont pas sélectionnés pour la reproduction. Ils peuvent être logés avec les juments et bénéficient ainsi de contacts sociaux ce qui permet d'accroître leur bien-être.
Dans les conditions domestiques et d’élevage, les logements individuels prédominent, ce qui limite le contact entre les chevaux. Les étalons, en particulier, sont considérés comme agressifs les uns envers les autres et sont donc souvent gardés individuellement dans des écuries et des paddocks.
Quels impacts ce mode d’élevage peut-il causer sur le bien-être des étalons ? Comment changer leurs conditions de vie afin d’améliorer leur bien-être physique et mental ?
Le stress provoqué par l'isolement social chez les étalons
Le risque de blessures dues aux combats est l’une des raisons principales de la mise en boxe et paddock individuel pour les étalons.
Une étude de 2002 avait pour objectif d’étudier les effets de la stabulation individuelle à long terme sur le comportement social des jeunes étalons (19 étalons de 2 ans).
Les résultats montrent que les comportements agressifs (menaces de morsures, coups de pied, etc …) étaient beaucoup plus présents chez les étalons isolés que ceux en groupe. Les étalons logés en groupe avaient tendance à utiliser davantage des interactions plus subtiles (déplacements, comportement soumis, intention avant l’action, etc …).
Les étalons logés en groupe s’associaient à leurs anciens membres du groupe, tandis que les étalons de stabulation individuels ne s’associaient pas davantage à leurs anciens voisins de boxe, ce qui indique qu’un contact physique est nécessaire à la formation de relations associatives.
L’isolement social extrême des étalons entraîne souvent des troubles du comportement, des stéréotypies, une agressivité excessive, des mutilations auto-abusives ou même une fertilité réduite.
En effet, ces comportements résultent d’un environnement stressant et / ou frustrant.
D’après l’étude de De Oliveira et al. en 2021, les stéréotypies sont plus présentes chez les étalons que chez les juments ou les hongres. Elles sont notamment dues à un manque de contacts sociaux.
Comment faciliter la vie sociale des étalons ?
L’élevage au pâturage avec les juments et poulains est la méthode d’élevage qui permet de satisfaire au mieux les besoins d’un étalon.
Lorsque cela n’est pas possible, il existe de nombreux aménagements pour respecter ses besoins de contacts sociaux. L'étude de Rodrigo Arruda de Oliveira et Christine Aurich a mis en lumière les façons dont nous pouvons améliorer la vie sociale des étalons :
- Héberger des étalons en groupe d'étalons ou avec des hongres
- Permettre aux étalons d’avoir des contacts sociaux à travers les boxes
- Laisser l'étalon observer son environnement à travers une fenêtre au sein du boxe
- Organiser les placements dans les boxes en favorisant les affinités
- Sortir les étalons régulièrement au paddock
Ces contacts permettent la formation de liens sociaux et ainsi améliorer le bien-être de l’étalon.
En plus d’avoir ces contacts sociaux, il est essentiel de permettre à l’étalon d’avoir accès à l’extérieur et de se déplacer dans des pâturages. En effet, le manque de possibilités de libre circulation et d’exercice peut entraîner des problèmes de santé considérables.
Pour réduire leur frustration et leur agressivité potentielle, il faut éviter les excitations sexuelles inutiles (accouplement qui n’aura pas lieu).
Des exemples concrets d'hébergement
Le système de “boxe social” a récemment été mis en place dans un haras de chevaux de sport allemand. Les comportements agressifs des étalons étaient présents seulement pendant les premières heures de leur hébergement. Des blessures mineures à la tête se sont produites mais pourront être minimisées en améliorant le choix des matériaux de cette cloison.
Depuis 2008, le Haras National Suisse a instauré un programme visant à favoriser la réintégration sociale de ses étalons reproducteurs. Ils ont reconsidéré la possibilité d’héberger ces étalons en groupes sur des pâturages spacieux éloignés des juments et autres chevaux.
L'équipe de l'Agroscope, affiliée au Haras National Suisse, a élaboré un protocole rigoureux pour garantir la sécurité de cette mise en groupe :
- Avant l'application du protocole, les étalons résidaient dans des boxes adjacents séparés par des grilles, permettant ainsi de former de paires basées sur leurs affinités naturelles
- Ils étaient ensuite placés dans des boxes voisins pendant deux semaines, équipés de parois sociales, favorisant les contacts tactiles
- Après cette période, les étalons étaient ensuite relâchés dans un pré pendant six mois, en dehors de la saison de reproduction, entourés de clôtures élevées et sans juments à proximité
Les quelques intéractions négatives ont duré les 4 jours suivants l’intégration. Ces comportements ont progressivement diminué pour laisser place aux intéractions positives entre les étalons. L'expérience a été si concluante qu'à présent, chaque année, environ douze étalons sont regroupés dans le pré.
En Autriche par exemple, après la saison de reproduction, les étalons (race de chevaux de trait Noriker) sont autorisés à passer quelques semaines en groupe sur de vastes pâturages de montagne. Il est possible d’observer d’impressionnants combats entre les étalons le jour de l’intégration mais aucune blessure grave se produit.
A noter que la stabilité du groupe est importante, donc les changements fréquents dans la composition du groupe sont à éviter.
Ce qu'il faut retenir
Luescher et al. (1991) affirment que le manque de contact social peut être l’un des facteurs de stress les plus graves chez les chevaux. Ainsi, les jeunes étalons domestiques sont sensibles à la privation sociale et cela a des effets à long terme sur le comportement social des étalons. Elle stimule l’agressivité et augmente les comportements stéréotypés.
Le temps et la possibilité d'interactions sociales illimitées dans les pâturages ont contribué à diminuer les réactions des étalons en écurie individuelle lorsqu'ils étaient exposés à des chevaux inconnus en termes de nouveauté sociale. En effet, suite à la nouveauté sociale, les étalons isolés réagissent plus fortement à la rencontre d’étalons inconnus que les étalons de groupe. Ils montrent un niveau plus élevé d’agressivité et de combat. Il a été suggéré que ces comportements étaient une réponse à une accumulation de motivation pendant la période de privation.
Un langage social bien développé dans lequel la domination est communiquée par des interactions subtiles peut réduire les risques des combats, ce qui est important pour les chevaux dans des environnements sociaux fluctuants (dans des écuries par exemple). Ainsi, les conditions de logement des étalons peuvent être améliorées.
Une meilleure compréhension des étalons permet de répondre plus clairement à leurs besoins, de réduire les comportements stéréotypés et d’améliorer leur bien-être.
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