Les chevaux sont dominants : mythe ou réalité ?

Formation sur le comportement du cheval

Formation sur le comportement du cheval

En équitation, nous entendons souvent dire que les chevaux sont dominants. La théorie de la dominance, autrefois qualifiée d'ordre hiérarchique, provient d'une étude menée en 1922 par Schjelderupp–Ebbe sur des volailles domestiques. D'après Drews en 1993, la dominance pourrait se définir comme étant "un attribut du motif d'interactions répétées et agonistiques entre deux individus, caractérisées par un résultat constant et une réponse par défaut plutôt qu'une escalade de conflit" . Cette théorie est-elle vraie chez le cheval et quel est l'impact de cette croyance dans notre relation avec lui ?

La dominance chez le cheval n'est pas naturelle

En conditions naturelles, la hiérarchie chez les chevaux est importante pour éviter la prédation et trouver des ressources alimentaires (Estevez, 2007 ; Giles, 2015). Pourtant, la coordination des activités, indépendamment des divergences dans les motivations ou les besoins physiologiques des individus, serait leur première priorité (Conradt & Roper, 2010 ; Jacobs, 2010).


L'ordre hiérarchique est établi et mis en place par une suite de comportements donnés et/ou par contact agressif (Houpt, 1982). De nombreuses études ont tenté de définir les critères qui régissent le rang hiérarchique : le poids (Giles, 2015), l'âge (Feh, 1988) ou bien la durée pendant laquelle le cheval faisait partie du groupe (Van Dierendonck et al., 1944). Contrairement aux idées reçues, les étalons ne seraient pas forcément les chevaux au plus haut rang au sein d'un groupe (Wells et al., 1997), tout comme les juments (Miller, 1995).


Même si un certain ordre hiérarchique existe à l'état naturel, la dominance comme on le conçoit n'a pas été démontré. Effectivement, l'observation des chevaux féraux a montré que très peu de comportements liés à la dominance : formes d'agression légères, basées sur des signaux de communication subtils rendus possibles par la stabilité du groupe, la hiérarchie et l'apprentissage des compétences sociales appropriées par les jeunes chevaux (Fureix et al., 2012). Les chevaux féraux présenteraient donc moins de blessures que les chevaux domestiques.


L'agressivité en groupe de chevaux semblerait être fortement liée à nos modes de gestion : espace et disponibilité des ressources, taille du groupe, stabilité de l'appartenance, composition et opportunités d'expériences sociales au cours du développement.

La dominance est instable, contextuelle et évolutive

Il a été montré que la dominance n'est ni stable dans le temps, ni hiérarchique. La dominance serait évolutive. Elle pourrait changer de jour en jour selon la valeur de la ressource, c'est-à-dire de la motivation de l'individu à l'acquérir et du coût associé à son acquisition (C. Drews, 1993).


Pour déterminer la hiérarchie au sein d'un troupeau, il existe différents tests dont celui du test du sceau. Dans ce test, chaque cheval est mis avec un autre individu. Les deux chevaux n'ont accès qu'à un seul sceau de nourriture, induisant ainsi la protection des ressources. Grâce à ce test, nous pouvons déduire une hiérarchie potentielle (Houpt, 1978 ; Giles 2015 ; Vries, 1995).


Une étude de Roig-Pons & Zollinger en 2017 a montré que ce test ne prédisait pas exactement une hiérarchie. Effectivement, les chevaux ont réagi totalement différemment une fois mis ensemble dans un autre contexte. De plus, suivant les mêmes conclusions, l'étude de Bailey en 2016 a mis en évidence que le "dominant" variait selon les observables choisis.

Les groupes de chevaux n'ont pas de dominant, mais des leaders

L'étude de Krueger et al. en 2013 a montré que n'importe quel membre d'un groupe de chevaux pouvait initier un mouvement par départ. Cette recherche a mis en avant des preuves d'une forme limitée de leadership distribué, les animaux de rang supérieur étant suivis plus souvent.


Cela n'a pas été soutenu par Briard et al. en 2015, qui a montré que les mouvements collectifs dépendent plus sur les motivations des suiveurs que sur les caractéristiques de l'individu agissant en tant que leader, c'est-à-dire que ce dernier agit comme déclencheur mais que la décision collective a déjà été prise par les membres du groupe au préalable.


Ce constat a été vérifié par l'étude de Bourjade et al. en 2015 menée sur des groupes de chevaux féraux où il a été conclu que la prise de décision au sein d'un troupeau est partagée par plusieurs membres du groupe. Effectivement, aucun cheval n'a pu être qualifié de leader dans les deux groupes de chevaux de Przewalski, quelle que soit la définition utilisée pour reconnaître le leadership.


Le leadership peut être décrit comme étant "le processus d'influence sociale dans lequel des leaders spécifiques semblent guider les actions des membres du groupe, telles que les changements d'activité ou de lieu" (Smith et al., 2016).


Ainsi, la question se pose de savoir si les chevaux devraient jouer un rôle plus actif pendant le travail ou devraient-ils simplement être des suiveurs avec peu d'autonomie si des concepts tels que le leadership seraient appliqués dans un contexte d'équitation ?

Dominance et leadership, les cancers de la relation humain-cheval

En observant les chevaux établir des relations sociales prévisibles avec leurs congénères, nous avons émis l'hypothèse que la théorie de la dominance pouvait être intégrée à la relation humain-cheval. La suite logique de cette hypothèse serait que nous pourrions imiter les interactions cheval-cheval et que les chevaux seraient censés nous répondre comme ils le feraient avec d'autres chevaux (Robert, 1997). Il a été scientifiquement prouvé que de nombreuses interactions que nous avons avec les chevaux ne correspondraient pas à l'éthogramme social des équidés (McGreevy et al., 2009).


La dominance a donc permis de justifier des méthodes d'entraînement abusives et des actions inadaptées à l'individu. Effectivement, si nous pensons que les chevaux se comportent avec nous comme ils le feraient entre eux, des comportements indésirables tels que mordre ou se cabrer peuvent être facilement qualifiés de dominants, dans le sens où le cheval agit délibérément pour garder son rang supérieur. Nous pouvons alors justifier l'utilisation de la punition pour prévenir et corriger de telles réponses.


Cette approche simpliste nie la complexité des interactions cheval-cheval et leur spécificité contextuelle. Par ailleurs, le lobe frontal du cheval, qui est la partie du cerveau responsable du raisonnement, de la résolution des problèmes, du jugement et du contrôle, est beaucoup moins développé que celui des humains. Cette capacité anatomique rend le cheval difficilement capable de conceptualiser la hiérarchie. De plus, rien ne prouve que les chevaux perçoivent les humains comme faisant partie de leur système social (McGreevy et al., 2009).


Il semble important de noter que la dominance n'est pas un trait de personnalité. Nous qualifions trop souvent des chevaux de dominants au lieu de se focaliser sur la cause d'apparition du comportement en question : nous limitons ainsi la compréhension et la communication dans la relation que nous entretenons avec notre cheval. Lorsqu'on détermine la personnalité du cheval de manière scientifique, on cherche à évaluer l'émotivité, la grégarité, la sensibilité tactile, etc.

Au quotidien, comment améliorer nos modes de gestion pour limiter les risques de blessures ?

Afin de favoriser les interactions positives dans les groupes de chevaux domestiques, voici quelques recommandations basées sur la connaissance de la vie sociale naturelle des chevaux :

  • Favoriser la stabilité du groupe
  • Assurer la disponibilité en fourrage grossier (idéalement ad libitum)
  • Permettre aux différents groupes de chevaux de circuler en liberté sans forcément se croiser
  • Introduire des adultes socialement expérimentés dans les groupes de jeunes chevaux (Fureix et al., 2012)

Dans votre relation avec les chevaux, vous pouvez :

  • Privilégier la lecture de revues scientifiques plutôt que de suivre des concepts markétés
  • Apprendre à observer et à comprendre les comportements des chevaux
  • Déterminer la personnalité de votre cheval grâce à des test scientifiques
  • Toujours vérifier l'état de santé physique et l'assouvissement des principaux besoins du cheval en cas de comportements agressifs

Abonnez-vous

Abonnez-vous à notre newsletter et recevez tous nos articles directement dans votre boite email

Formations en ligne dédiées au bien-être du cheval

CONTACT

formation@authiaka.fr

Bordeaux, France