La couverture : faut-il couvrir son cheval en hiver ?

Formation sur le comportement du cheval

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Comme tous les hivers, nous nous posons la question de s'il faut ou non couvrir notre cheval. Ce sujet n'est pas réellement un débat pour les chevaux tondus où la couverture est nécessaire pour passer les temps froids, contrairement à ceux qui ne le sont pas où il devrait y avoir une grande réflexion autour de leur bien-être.


Effectivement, on remarque régulièrement que de nombreux propriétaires couvrent leurs chevaux non tondus de manière systématique à partir d'une certaine température, ou dès qu'ils ont eux-mêmes froids.


Que faut-il faire concrètement ? Comment juger si notre cheval a besoin ou non d'une couverture ? Où commence l'anthropomorphisme ?

La zone de confort thermique du cheval

Les chevaux sont des animaux homéothermes (à sang chaud), ce qui signifie que la température corporelle centrale est maintenue dans des limites étroites malgré de grandes variations de température ambiante (Sjaastad et al., 2016).


La zone de confort thermique (Thermo Neutral Zone : TNZ) est couramment utilisée pour décrire la plage de température ambiante dans laquelle une espèce est à l’aise et peut réaliser ses fonctions physiologiques sans être en thermorégulation active, en utilisant uniquement des mécanismes de régulation physiologiques (Autio, 2008).


De manière générale, il a été montré scientifiquement que cette zone est bien plus large chez le cheval que chez l’homme, ce qui est malheureusement à l’origine d’anthropomorphisme. On note que la TNZ moyen pour l'humain est entre +15 et +25°C, alors que pour le cheval elle est entre +5 et +25°C.


En revanche, il est important de préciser que cette zone n'est pas une valeur fixe, mais dépend de nombreux facteurs tels que l'âge, la race, l'état physiologique, l'acclimatation, la qualité du poil, l'alimentation et l'état corporel (Autio, 2008) :

  • McBride et al. en 1985 ont estimé que la TNZ se situait entre -15 et +10 °C chez des hongres quarter horse adultes acclimatés à l'hiver ;
  • Autio et al. en 2007 ont suggéré que la TNZ se situe entre −16 et −9 °C chez les poulains sevrés de différentes races ;
  • Autio en 2008 a montré que la TNZ se situe entre +10 et +24°C chez les poulains nouveau-nés (pur sang, arabes, poneys).

Ces études démontrent la variabilité de ce confort thermique, à savoir que c'est quelque chose de plutôt propre à chaque individu, et surtout que les chevaux peuvent naturellement tolérer de grands froids.

La thermorégulation du cheval

Mécanismes thermodynamiques

Avant de commencer, il me semble importer de rappeler comment le cheval peut gagner et perdre de la chaleur. Il existe quatre grands mécanismes indispensables à la thermorégulation du cheval.


Il y a tout d'abord le mécanisme de conduction qui représente la perte de chaleur par contact direct entre le cheval et une substance ou un objet plus frais (Sjaastad et al., 2016). Le taux de perte de chaleur dépend de la propriété conductrice de l'objet ainsi que de la différence de température. Par exemple, la perte de chaleur sera plus élevée pour une litière humide que pour une litière sèche, car l'eau est un bon conducteur.


Ensuite, la convection est un transfert de chaleur par déplacement d'air ou d'eau à travers la peau (Sjaastad et al., 2016). Mejdell et Bøe en 2005 ont découvert que les chevaux islandais passaient plus de temps à l'abri lorsqu'il pleuvait, mais pas lorsque les précipitations tombaient sous forme de neige. Ainsi, les précipitations sous forme de neige ne semblaient pas avoir le même effet refroidissant que la pluie. Cela s'expliquait par le fait que la neige ne fondait pas facilement sur le dos des chevaux (qui avaient un épais poil d'hiver), mais qu'elle s'accumulait plutôt en couche.


On parle aussi de radiation quand il y a un apport ou une perte de chaleur par rayonnement (ondes électromagnétiques) du corps chaud vers une surface plus froide. C’est le cas du soleil qui peut directement chauffer la peau, ou apporter un apport de chaleur par effet rebond sur le sol.


Et enfin, le plus connu de tous, le mécanisme d'évaporation, aussi appelé transpiration. La perte de chaleur par évaporation se produit lorsque la chaleur est extraite du corps pour évaporer la sueur, ou l'eau de la peau humide après la pluie (Sjaastad et al., 2016). Chez les chevaux, l'évaporation de la sueur est considérée comme le mécanisme physiologique le plus efficace pour se débarrasser de l'excès de chaleur (Guthrie et Lund, 1998). L'évaporation est moins efficace lorsque l'humidité de l'air est élevée (Hodgson et al., 1994).

Thermorégulation physiologique

L'organisme peut mettre en place différentes adaptations pour mieux vivre le froid, notamment à travers les mécanismes de la peau et par l'état corporel. Pour commencer, la peau fonctionne comme une couche isolante par son épaisseur relative. L'isolation du poil dépend de la profondeur et de l'épaisseur de la couche de poils, de la vitesse du vent et des gradients de température et d'humidité dans le poil (Ousey et al., 1992).


Le poil des chevaux change deux fois par an grâce au mécanisme appelé photopériodisme, s'adaptant aux différentes températures saisonnières. Des capteurs dans la peau du cheval réagissent aux changements de lumière. Le cheval est prêt à faire pousser son poil d'hiver juste après le solstice d'été, lorsque les jours commencent à raccourcir. Le cheval est prêt à changer son poil d'hiver pour un poil d'été juste après le solstice d'hiver, lorsque les jours commencent à rallonger.


En plus de faire pousser son poil, le cheval peut augmenter l'isolation du poil grâce au mécanisme appelé piloérection (Langlois, 1994) - le soulèvement, l'abaissement ou la rotation dans différentes directions de chaque poil individuellement via les muscles érecteurs des poils. De cette manière, le cheval augmente ou diminue l'épaisseur de la couche isolante et fait varier efficacement la quantité de flux d'air vers la surface de la peau. La piloérection augmente la profondeur du poil de 10 à 30 % chez les chevaux adultes.


De plus, les poils sont recouverts d'une substance grasse qui crée un effet hydrofuge empêchant ainsi l'humidité d'atteindre la peau du cheval les jours de pluie ou de neige (Langlois, 1994). L'eau coule sur les poils extérieurs tandis que le poil plus profond reste sec. C'est pourquoi il n'est pas recommandé de brosser fortement le cheval en hiver ou de le doucher systématiquement en été, car cela lui enlève cette protection naturelle.


De plus, les artères par des actions musculaires, appelées vasoconstriction ou vasodilatation, peuvent être rétrécies ou élargies, régulant le flux sanguin vers la peau. La constriction empêche la perte de chaleur interne en réduisant la quantité de sang chaud apporté à la surface plus froide du corps. La dilatation permet à une plus grande quantité de sang chaud provenant d'intérieurs surchauffés d'atteindre la surface du corps et d'être refroidi (Wallsten et al., 2012).


Lorsque la température extérieure est trop élevée pour que l'air refroidisse le sang à travers la peau, les glandes sudoripares sécrètent du liquide. L'évaporation de ce fluide refroidit la surface de la peau ainsi que le sang dans les artères de surface. De cette façon, la température interne peut encore être abaissée même lorsqu'il fait chaud à l'extérieur. Le cheval peut également utiliser les glandes sudoripares par temps extrêmement froid lorsque la température interne du corps est trop élevée à cause de l'exercice.


Et enfin, la quantité de graisse dans le corps, autrement dit l'état corporel, est un autre facteur important de la thermorégulation. En plus d'être la réserve énergétique de l'organisme, la graisse est 3 fois plus isolante que les autres tissus en raison de sa faible conductivité thermique et de son mauvais apport sanguin (Guyton, 1991). Il est donc important pour un cheval d'avoir une bonne couche de graisse avant l'hiver. Les chevaux en conditions naturelles et les chevaux domestiques élevés naturellement maintiennent le rythme naturel de changement de poids tout au long de l'année, leur poids augmentant jusqu'à 20 % à l'automne.

Thermorégulation comportementale

D'après plusieurs études (Duncan, 1980 ; Berger et al., 1999 ; Arnold et al., 2006), les chevaux en conditions naturelles réduiraient l'activité locomotrice en hiver par rapport à l'été. L'activité réduite en hiver est une tendance annuelle liée à la baisse de la température extérieure et donc à une réduction de la production de chaleur interne et de la dépense d'énergie (Arnold et al., 2006).


Parallèlement à la réduction générale de l'activité dans le froid, nous pouvons également observer de courtes sessions d'agitation et d'activité locomotrice pendant les périodes de froid aigu soudain et les intempéries. Les mouvements à court terme sont bénéfiques jusqu'à ce que d'autres facteurs du système de thermorégulation s'adaptent aux nouvelles conditions de température.


En hiver, on peut observer des chevaux debout ou couchés très proches les uns des autres. De cette façon, ils réduisent les pertes de chaleur par rayonnement. Par une telle proximité, ils réduisent la surface corporelle exposée à l'environnement extérieur (Bligh, 1998). Dans le même temps, les animaux qui, pour une raison quelconque, ne produisent pas suffisamment de chaleur interne peuvent utiliser le rayonnement thermique corporel d'un congénère via la proximité comme source de chaleur supplémentaire.


Par ailleurs, les chevaux peuvent augmenter le rayonnement solaire absorbé comme autre source de chaleur supplémentaire. Souvent, nous pouvons observer que les chevaux préfèrent bronzer sous le soleil direct au lieu de manger pendant les courtes journées d'hiver ensoleillées, et dès que le soleil se couche, ils se remettent à manger. De cette façon, ils accumulent l'énergie du soleil. Cela les aide à rester au chaud sans utiliser leur propre énergie corporelle.


Pour terminer cette partie, les chevaux savent aussi adapter leur posture. On peut voir des chevaux debout, dos au vent, avec la tête basse et la queue rentrée. De cette façon, ils se gardent protégés des intempéries. Également ces jours-là, les chevaux peuvent être observés debout près des murs à l'extérieur des abris, ou près des arbres en les utilisant comme des brise-vent naturels. Et parfois même en utilisant le corps d'un autre cheval comme coupe-vent.

La gestion d'une écurie

D'après les paragraphes précédents, les chevaux possèdent de nombreuses stratégies pour affronter le froid. L'aménagement et la gestion de l'écurie sont également primordiaux pour permettre aux chevaux de passer l'hiver confortablement.


Ils ont besoin d'une vie en troupeau, d'une part pour leur bien-être général mais aussi pour tous les mécanismes de thermorégulation comportementale évoqués ci-dessus. L'augmentation de l'apport alimentaire augmente la production de chaleur dans le corps du cheval. Ceci est lié au fait que le processus de digestion des fibres produit de la chaleur comme sous-produit. Par temps froid on peut observer une augmentation de l'apport alimentaire chez les chevaux. Cette demande supplémentaire d'aliments est appelée demande d'énergie climatique (MacCormak & Bruce, 1991). On a observé que les chevaux avaient besoin de jusqu'à 2,5 % d'énergie en plus pour leur entretien par baisse de 1 degré Celsius de la température extérieure en dessous de leur température critique inférieure (McBride et al., 1985; Cymbaluk et al., 1989a).


De plus, un grand espace qui permet aux chevaux de se déplacer librement augmentera la production de chaleur des muscles qui se contractent, ce qui est avantageux dans un climat froid. La distribution de ressources précieuses telles que la nourriture, l'eau, les abris naturels et/ou artificiels et la compagnie d'autres chevaux augmenteront la motivation à se déplacer. Contrairement au port d'une couverture, le cheval peut choisir de rester à l'intérieur ou à l'extérieur d'un abri lorsque le temps passe de pluvieux à ensoleillé. Un abri est donc une solution plus flexible qu'une couverture, qui repose sur l'intervention humaine. De plus, l'abri protège contre le rayonnement solaire les jours chauds et peut offrir un soulagement contre le harcèlement des insectes.


C'est sans oublier l'acclimatation ! Lorsque les propriétaires prévoient de garder les chevaux à l'extérieur en hiver, ils se doivent permettre aux chevaux de s'acclimater. Cela peut être fait en continuant à garder les chevaux à l'extérieur de l'été à l'automne. Cela aidera le cheval à ajuster progressivement son métabolisme à l'environnement plus froid en mangeant plus et en développant un poil plus épais (Langlois, 1994). Les propriétaires de chevaux et les vétérinaires doivent être conscients du risque de stress thermique si un cheval acclimaté au froid doit être gardé dans un environnement chauffé, par exemple dans une clinique vétérinaire.

Comment savoir si je dois couvrir mon cheval ?

Comme vous, nous avons également cherché sur Google si nous devions couvrir nos chevaux cet hiver. De nombreux sites m'ont sorti des tableaux en fonction de si mon cheval était tondu et de la température extérieure.


Notons bien que la plupart de ces sites vendent eux-mêmes des couvertures, et qu'il est important pour eux de créer le besoin chez le consommateur. Nous vous conseillons de vous référer dans un premier temps à ce schéma :

On peut noter d'autres paramètres qui n'ont pas été évoqués plus haut. Il faut savoir que la capacité de thermorégulation diminue à mesure que le cheval vieillit : le cheval âgé a un taux métabolique réduit, perd souvent de la masse musculaire et mange moins, et le risque de maladies augmente (Sjaastad et al., 2016). L'altération de la fonction cardiovasculaire chez les chevaux âgés augmente également le risque d'hyperthermie pendant l'exercice (McKeever et al., 2010).


De plus, les propriétaires de chevaux signalent des changements dans la qualité du poil, la raideur, la perte de condition physique et de poids (McGowan et al., 2010 ; Ireland et al., 2011), ce qui les rend moins préparés au froid (Jørgensen et al., 2020). Il en est de même pour les jeunes chevaux qui seraient plus sensibles au froid.


La robe des chevaux peut aussi jouer un rôle. Effectivement, les chevaux à robe sombre peuvent mettre en place davantage de radiation (absorption de chaleur). Il faut également prendre en considération l'historique de santé du cheval (maladies chroniques, troubles métaboliques ou phase aïgue).


Une étude de 2016 par Mejdell et al. a évalué les préférences des chevaux à mettre une couverture :

  • 66,2% des chevaux couverts ont souhaité le rester lors de l’étude ;
  • Par jour de pluie à 5-9°C, sur 22 chevaux, les 10 chevaux couverts ont souhaité le rester. 10 chevaux sans couvertures à l’initial en ont souhaité une. Seulement 2 chevaux ont souhaité rester non couverts.

Cette étude met en avant les préférences individuelles des chevaux. Il est sans rappeler qu'un cheval couvert sera davantage sensible aux températures (par rapport aux mécanismes de thermorégulation qui se retrouveront altérés), et choisira donc de rester couvert.


D'après Mejdell et al. en 2020, la tonte et les couvertures interfèrent avec les mécanismes naturels de thermorégulation et rendent le confort thermique du cheval trop dépendant de l'homme, c'est-à-dire de la connaissance et de la capacité des soigneurs à fournir à tout moment une couverture avec l'isolation appropriée.

Les risques quand le cheval est couvert

Le port de couverture implique des points d’attention qui peuvent conduire à une diminution du bien-être mais aussi de la performance du cheval. On note tout d'abord l'inconfort du cheval lié au port de la couverture (stress thermique, tensions, blessures). Il convient de veiller à la taille, la coupe, le matériau, le poids et le grammage de la couverture choisie.


Les chevaux peuvent aussi avoir des problèmes de peau à cause d'une mauvaise hygiène de la couverture ou encore des carences en vitamine D.


Il y a également une diminution de la perte de poids saisonnière lors du port d’une couverture, ce qui peut poser problème chez des chevaux sujets au surpoids / à l’obésité.


Et enfin, on peut observer une diminution des interactions sociales. Les chevaux couverts peuvent avoir des difficultés pour réaliser le grooming avec les congénères, ce qui diminue leur état de bien-être.

Ce qu'il faut retenir

Faut-il couvrir son cheval en hiver ? Il n'existe pas de réponse unanime. Chaque individu est unique et nécessite des soins personnalisés, notamment à l'approche de l'hiver. Ce n'est pas la température extérieure (comme nous l'avons vu pour les différentes zones de confort thermique) qui devrait vous décider à couvrir votre cheval. Lui seul pourra vous dire par ses comportements s'il a besoin d'être couvert. Effectivement, si votre cheval tremble ou perd de l'état, il vaut mieux le couvrir.


Dans cet article nous n'avons pas abordé l'aspect confort du cavalier. Peut-être n'avez-vous pas envie que votre cheval fasse du poil d'hiver pour ne pas avoir à le sécher après votre séance par exemple. Il existe de multiples raisons pour couvrir votre cheval.


Alors, finalement, c'est vous qui connaissez votre cheval mieux que personne, vous êtes le seul juge.

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